Les ventes d'armes ne cessent de croître, sur un marché en transformation. Interview de Susan Jackson, auteur d'un rapport sur le sujet.
Par : Jean Guisnel
Le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) publie, comme chaque année, un classement des cent premières firmes productrices d'armement dans le monde. Quelles sont les grandes tendances que vous observez ?
D'abord, l'augmentation du chiffre d'affaires des cent plus importantes entreprises d'armement. Il s'est accru de 59 % depuis 2002. Ensuite, un accroissement des ventes de services aux armées, et non plus seulement de matériels. C'est notamment vrai en Afghanistan et en Irak, où les prestations diverses, par exemple d'entraînement, augmentent régulièrement. On voit se confirmer une externalisation des prestations qui étaient jusqu'à présent assurées par les armées elles-mêmes, et qui sont confiées à des sociétés privées. Enfin, je note également que les services après-vente prennent une part plus importante dans les revenus des entreprises de défense.
Très peu d'entreprises ont réalisé en 2009 la totalité de leur chiffre d'affaires dans le militaire, à l'exception notable de BAE Systems (95 %) et de deux firmes françaises : DCNS et Nexter (100 % chacune). Quelles conclusions en tirez-vous ?
Dans l'après-guerre froide, lorsque la consolidation des entreprises de défense s'est produite par fusions et rachats, certaines d'entre elles ont décidé de n'être que des producteurs d'armement. Elles sont peu nombreuses. Mais d'autres, comme le groupe français Safran, dont l'attitude est assez significative, ont recherché des marchés proches par nature de ceux de l'armement, qui pourraient leur autoriser de nouvelles perspectives. Safran s'est ainsi implanté aux États-Unis afin de fournir des équipements pour la sécurité intérieure (Homeland Security). C'est une manière différente de récupérer une part plus importante des marchés, en agissant dans des secteurs parallèles à ceux de l'armement.
Pourquoi les Britanniques de BAE Systems ont-ils connu un développement si important, au point de devenir le premier producteur mondial d'armement en 2008 et le deuxième en 2009 ?
Parce qu'ils réalisent une part considérable de leur chiffre d'affaires sur le marché américain ! C'est d'ailleurs un axe important de développement pour d'autres entreprises européennes, comme l'italienne Finmeccanica.
Les données sur les ventes d'armes sont généralement difficiles à obtenir et à vérifier. Comment avez-vous procédé ?
Je n'ai utilisé que des sources ouvertes, des informations disponibles publiquement. Je les ai demandées aux entreprises ou les ai prises dans des communiqués. Je postule que les informations qu'elles fournissent sont exactes. Je ne recherche pas seulement le chiffre d'affaires sur la défense. Je regarde tout : les chiffres des autres contrats, les articles de presse, etc.
Publié par : http://www.lepoint.fr